lundi 2 mai 2011

Le temps rattrape le temps... et l'envoie dans les cordes

Le deuil est un combat de tous les jours... Combat contre le temps, contre soi-même et contre les souvenirs.  C'est aussi un combat pour ne pas oublier, ce que j'ai de la difficulté à faire depuis deux ans.

Ma mémoire flanche, ma concentration diminue de jour en jour.  J'ai de la difficulté à entretenir un conversation plus que 10 minutes.  Après ce temps, j'ai des fourmis dans les doigts, je commence à être étourdi et ma vision se dédouble.  L'oubli est une chose atroce.  Oublier sa vie, mais aussi oublier de vivre.

Je viens de voir un épisode de Scrubs où l'un des personnages perd son frère atteint de leucémie.  Il n'arrive pas à se faire à l'idée et on le voit accompagné de ce frère tout au long de l'émission, alors qu'il est mort.  Il est difficile de concevoir un tel événement, même s'il se produit devant nous.  On ne veut pas laisser partir l'être aimé, parce que si on le fait, on accepte l'idée qu'on ne reverra plus jamais cette personne, qu'on ne pourra plus la toucher, sentir son parfum, la regarder dans les yeux, rire ou pleurer en sa compagnie.

Ce qui me ramène à ce que j'ai vécu avec Julie.  J'en ai parlé un peu avec un ami hier, et aujourd'hui, il y a cet épisode où le personnage prend finalement conscience, à la fin, qu'il ne va pas à l'anniversaire de son fils, mais à l'enterrement de son frère.  Ça a fessé comme un coup de bâton de golf dans les couilles.  Seulement, je semble encore totalement détaché des émotions que je ressens, comme si deux personnes habitaient mon corps: celui qui souffre toujours, et l'autre qui observe froidement comment la réaction évolue dans le système.  Je suis ce deuxième, ces temps-ci.  Et je ne sais pas comment retourner vers l'autre, ni comment l'aider à mieux se sentir.  Je vogue tout simplement dans le temps, blasé du murmure de la ville, en proie à une torpeur morbide accentuée par la douleur physique.  Prisonnier d'une toile d'araignée faite de barbelés, j'arrête de me débattre pour un temps, juste pour voir la grosseur de l'araignée prête à me dévorer vivant.

C'est un peu pourquoi j'ai écrit ce poème.

Je sais qu'il ne faut pas laisser la pourriture s'installer.  Sait-elle qu'elle n'est pas la bienvenue ici?  Je vais devoir lui dire ma façon de penser, mais pour le moment, il y a une brèche dans la coque, l'abordage a mal commencé.

2 commentaires:

Fel-X a dit…

Et le plus horrible, c'est que personne ne peut vraiment dire "j'te comprends" en sachant exactement de quoi il retourne, ni placer une phrase qui va soudain te faire sentir mieux.

Parfois, je me sens coupable d'avoir "oublié" Julie... mais je me rattrappe en me sacrant un coup de bat de baseball mental parce que je sais avec la plus énorme des certitudes que ce que Julie voudrait, ce n'est pas que l'on s'éternise dans notre tristesse et nos souvenirs nostalgiques d'elle. Parce qu'elle sait que ces souvenirs sont comme un "teddy bear" hérissé de pointes. Plus on les garde près de nous, plus on se blesse.

Oui, c'est poche et ça semble cheap de prendre son souvenir et le mettre derrière nous (du moins, en majeure partie... puisqu'elle va toujours vivre en nous, par nous), mais si c'est ce que ça prend pour qu'on trouve le bonheur et qu'on continue à vivre, je crois qu'on doit le faire.

Tu te sens inhumain de le faire parce qu'enlever l'empreinte émotive d'un souvenir c'est contraire à tout ce qu'on connaît, nous qui sommes des êtres passionnés et pleins d'amour. Mais le rabot du temps doit sabler tout ça pour que ça devienne "safe" dans notre tête.

Il faut juste accepter ce fait, là. Peut-être que t'as encore besoin de pleurer Julie pour te vider complètement et arrêter de t'y accrocher... et tu t'y refuses parce que t'es comme tout le monde. t'es fier, t'es orgueilleux et tu te dis au fond de toi: "ça fait, 2-3 ans, plus personne ne veut m'entendre chigner avec ça".

Ben imagine-toi donc que si c'est ce que ça te prend pour te sentir bien, on veut t'entendre chigner avec ça. Parce que c'est à ça que ça sert, des amis pis de la famille. À t'aider.

Je ne connais rien du psyché humain mais j'ai toujours l'impression que quand tu pognes ces passes-là, de fourmillements et d'inattention aigue, il y a quelque chose qui reste en suspens pis que t'ignores consciemment ou inconsciemment. C'est l'effet que ça me fait.

Si ça te prend une grosse crisse de brosse sale à pleurer pis parler de tout ce que t'as sur le coeur, c'est ça qu'on va faire. Ou de nager pour te changer les idées. Ou bouffer du Frite Alors en se buvant de la Bitburger.

Whatever. Secoue tes puces, je sais que tu peux t'en sortir. Sors de ta tour.

Christine a dit…

Félix a dit à peu près tout, à part "si ça te prend une grosse soirée Magic, laisse-toi aller!

En parlant de se laisser aller, ça rejoint ce que je disais sur ton autre blogue, à propos de ton poème, laisse-toi porter par le vent...

Et c'est vrai que se dire qu'on passe à autre chose, ça donne l'impression de rendre ce qu'on a vécu moins important, comme si l'oubli s'était installé. Mais toi, tu le sais que ce n'est pas le cas. Et quelques autres personnes autour de toi le savent également. C'est le principal.

Je t'aime tellement, mon frère. Si c'est de pleurer dont tu as besoin, ben fais-le. Mais, comme le dit encore Félix, ne retourne pas dans ta tour. Tu peux voir ton double comme dans un miroir, mais tu n'es pas mort, toi. L'autre côté du miroir, tu le rejoindras plus tard. T'as bien des choses à vivre encore et elles sont tout à fait concrètes et brailler en fait partie!

On se voit bientôt, j'espère, et je t'offrirai mon épaule et une petite coupe de vin rouge!!!

XXX